Dialogue dans le Pas-de-Calais, entre un artiste et les porteurs de projets culturels de sept établi
- On a voulu proposer le moins de redondances. Proposer le maximum de choses.
Éviter l'ennui. Prendre des risques : essayer des choses, même si ça prend du temps, même si ça ne marche pas.
Au final, beaucoup d'images sont à jeter. Certaines, je ne veux pas les montrer, je n'en suis pas content. Elles ont été réalisées dans l'urgence. Parfois, c'est bien, l'urgence, parfois non.
La dynamique des structures, l'engagement des encadrants, l'organisation conditionne notre travail. Parfois on était accompagnés, parfois non.
Fabriquer les images avec les enfants était un travail très prenant. Il fallait une personne qui accompagne l'enfant, une personne aux machines, pour fabriquer l'image et une personne à la captation vidéo.
Et puis il y a eu la relation aux enfants. C'était très fort, avec les enfants.
Ils nous ont toujours énormément donné. On a eu des surprises, à chaque fois. On ne sait pas toujours, nous, donner autant.
L'enjeu était d'impliquer ces enfants dans la fabrication des images. Qu'ils puissent devenir acteurs dans ces images. On a jamais voulu faire des images sur le dos des enfants, créer des images dans lesquelles ils ne se reconnaîtraient pas.
Parfois, c'est arrivé. Mais dans ces moments-là, on a arrêté.
Parfois, ces images fonctionnent pour les enfants mais moi, avec mon regard de plasticien, je regarde ces images autrement et je ne les retiens pas forcément comme des images artistiques.
- Les enfants qui n'avaient pas voulu participer ont regretté, ils en ont sortis très frustrés.
Ceux qui ont participé ont aujourd'hui plus d'intérêt pour l'artistique au sein des IME.
- Quand on parle des Blouses Bleues ou de spectacle, je les vois se redresser.
- Certains, même, se lanceraient bien dans l'art.
- À nous de les accompagner.
- Il y a un groupe, chez nous, qui est maintenant très intéressé par le off, par la technique.
- Pour les plus petits, c'est passé par l'émotion. Les belles images que certains enfants en très grande difficulté ont pu renvoyer, ça, c'est très important.
- Ce serait quand même prétentieux de prétendre que ça a des effets sur les projets personnels des jeunes.
- Par contre, les enfants sont sortis épanouis, contents.
Pour eux, c'était une expérience sensorielle importante.
- Se regarder. Rien que le jeu de lumière dans le miroir... ça aide les enfants à se regarder. Un enfant qui a des troubles autistiques, qui se coiffe habituellement sans se regarder, là, il s'est regardé. Je l'ai vu.
- Et puis certains jeunes qui ne semblaient pas avoir des difficultés avec leur image ont eu des problèmes à se voir sur un écran, on ne s'en était pas doutés. Des choses ont été révélées, ça nous donne de nouvelles pistes de travail.
- Ils ont quand même appris à fabriquer une image. C'est pas rien.
- Les jeunes ont été épatés, mais les professionnels aussi !
- Tout ce qu'on a été capables de faire !
- Bon, on peut quand même pas dire que ça a touché l'ensemble des équipes, quand même. Mais... si on récidive... petit à petit...
- Je pense qu'en tant qu'institution, on va avoir du mal à se reconnaître dans vos images.
- Il fallait arriver à se comprendre. Les mêmes mots n'ont pas toujours le même sens en fonction des métiers.
- Chez nous, l'atelier théâtre a beaucoup changé depuis votre passage. Alors moi, j'ai jamais eu la fibre très artistiques, mais je les vois. On est plus vraiment dans du théâtre où on fait des rôles, etc. Ils ont l'air d'y prendre du plaisir.
- Et puis aujourd'hui, chez nous, la pratique artistique n'est plus assujettie à un résultat.
- Pourtant, le résultat, c'est dans notre culture.
Mais votre présence et votre travail ont amené certains professionnels à penser différemment ce qu'est l'artistique. Avant, il fallait quand même toujours savoir vers quoi on voulait aller.
- Oui.
L'important, c'est le cadre. Et avoir les bons outils. On peut se donner une ligne d'horizon, mais ce qui arrive dans ce cadre, avec ces outils, c'est du mouvement.