Médecine souterraine
Il est utile s'il l'on parle de Camille Escudero en son lieu de travail de commencer par une image du couloir qui y mène. L'on connaît habituellement l'hôpital en sa surface, blanc, propre et vitré : des enfilades de pièces violemment éclairées au néon, séries d'accueils et de salles d'attentes agrémentés d'automates qui délivrent contre de la monnaie une boisson ou un en-cas sucrés. L'on pense moins souvent à l'hôpital souterrain qui le double : de longs couloirs où courent les fluides - électricité, ventilation, climatisation – s'élargissant soudain en grottes de ciment où l'on gare les machines – cireuses, wagons de transport – faux plats que les femmes et les hommes empruntent d'un pas précipité, poussant un brancard dans l'urgence ; profondeurs tortueuses ponctuellement trouées de doubles portes de métal gris débouchant sur les services. Envers nécessaire du décor, ces voies mènent rapidement à l'un où l'autre pôle d'excellence.
Tout au bout de l'hôpital de Roubaix, dans ces sous-sols, se trouve l'anatomo-pathologie. Si l'on ne reçoit pas ici de patients entiers, l'on réceptionne les fragments d'organes prélevés sur leurs corps lors des examens dans les autres services. On les réceptionne, on les dépose sur une lame de verre, on les colore, on les place sous le microscope, on les observe, on les analyse. Les images qui en résultent sont d'une beauté surprenante, formes abstraites, étranges souvenirs de planètes jamais explorées, ou bien, comme dirait Camille Escudero : kinesticules.
Kinesticules…. Mais « cétikoikess » que ces bestioles-là ? Un jour d’ennui , versant une goutte de « blanco » sur une feuille noire, je la laissai dériver sur la surface, et cette goutte laissant l’impact de la chute devenir tête, avait dessiné en sinuosité un corps. C’était la naissance d’un petit peuple, auquel j’ai donné le nom de kinesticules (kines> mouvement / un petit fragment de mouvement). J’ai continué, offrant à ce petit peuple des couleurs et des surfaces nouvelles. Un petit peuple grouillant à têtes chercheuses.