Labyrinthes CMJV
Il y a une différence conséquente entre la mission d'appui artistique (qui implique la présence d'un artiste dans un établissement de santé pour une plusieurs semaines pleines et consécutives) et les autres types d'interventions artistiques et culturelles, formes plus sporadiques ou plus légères.

Le château (véritable) de Monchy-le-Preux abrite l'Institut Médico-Éducatif.
En ce moment, en plus des jeunes gens qui y sont pensionnaires et des éducateurs qui les accompagnent, on peut y rencontrer Florent Lamouroux, artiste de condition.
C'est tout au fond de l'enceinte, passée la coulée verte, après les serres, que l'homme a élu domicile, dans « la petite maison », qui accueille également le psychologue.
Les jeunes gens savent où le trouver.
Pour l'heure, ce mardi 23 février, il est occupé avec quelques adolescents à effectuer des moulages de chaussures à base de sacs de plastique coloré et scotch transparent. Il s'agit d'approcher progressivement le cœur de la pratique artistique de Florent Lamouroux : des installations grand format dans lesquelles on trouve des êtres et des objets de plastique moulé sur pièce. Voyez plutôt.
Il règne dans la petite maison une effervescence joyeuse.
Aidés par une adulte, les jeunes gens apprennent à poser le plastique, le scotch, à découper, à orner.
- Comment t'as appris ça ?, demande quelqu'un.
- Alors là... je ne saurai pas quoi te répondre...
Florent nous guide dans son atelier (et dans sa tête), nous montre des études préparatoires pour sculptures vertes, bleues, jaunes, rouges, inspirées de jouets, des croquis préparatoires à la réalisation de petits ou grands labyrinthes, la Zone d'Autonomie Nomade (une galerie miniature qu'il présente comme son nouveau projet collaboratif), les plans d'un futur jardin à la française qui pourrait prendre vie dans la coulée verte (si le géomètre accepte de se pencher sur l'épineuse question des mesures), les dessins réalisés à partir des parcours coutumiers des jeunes (qui pourront donner lieu à des sculptures dans les espaces herbeux du centre).
Si Florent Lamouroux cherche comment partager sa réflexion et sa manière de travailler, la matière première en revanche (textures, formes, idées) émane du lieu. Pour le moment, tout est à l'ébauche. Considérant que Florent est arrivé depuis deux jours (et prenant en compte le fait qu'il partage son temps entre deux IME : Monchy-le-Preux et Fruges), il y a déjà une foule d'idées qui fourmillent, qui se matérialisent dans ces pages scotchées sur les murs ou sur les vitres de la petite maison. Comment un objet fonctionnel dans un endroit devient-il une sculpture quand on le déplace sur le terrain de l'art ? Changer d'échelle permet de changer notre approche corporelle, notre motricité, notre posture.
Les adultes de l'IME qui accompagnent les enfants au quotidien semblent tout autant qu'eux emportés par cette vague d'énergie : il flotte comme un air d'euphorie ou de douce excitation. Vous voyez, ça s'invente à mesure, dit une dame. On est curieux de voir l'impact que ça aura sur nos jeunes, sur leur comportement et leurs capacités. Qui sait, peut-être iront-ils au-delà de ce qu'on leur demande, peut-être prendront-ils des initiatives ?
Il semble que Florent Lamouroux sache transformer la matière. Cette capacité est très certainement contagieuse, si l'on prête attention aux essais encore frais et peut-être un peu malhabiles de ceux qui s'y adonnent. Déjà, l'une des jeunes personnes tente une sculpture de scotch, toute en équilibre. Mais là, on est presque sur les arts du cirque, lui dit Florent. Pour y arriver, il faut s'entrainer, s'entrainer et s'entrainer encore.
Nous voilà dans l'expérience, avec un guide attentif.