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Un souvenir de septembre

Je voudrais maintenant que le temps à passé raconter un souvenir.

C'était un soir de pluie douce et continue. On inaugurait à l’hôpital le nouveau service de chirurgie ambulatoire, dans une petite salle ouverte juste derrière ce que l'on m'a nommé à l'accueil « l'ascenseur panoramique » (on peut avoir une vue sur le nouveau service). Red, musicien et peintre, avait suivi pendant plusieurs jours les chirurgiens et les patients en salle d'opération. Des histoires intimes ou des gestes techniques, il avait tiré des textes (des chansons) et des images (des peintures). Ce soir-là (le même soir que l'inauguration du service de chirurgie ambulatoire, donc), il était prévu qu'il chante ses textes, avec sa guitare amplifiée, devant ses toiles. Dans la salle d'attente réservée aux accompagnants des opérés de la chirurgie ambulatoire, on servait des verres d'alcool et des aliments fantaisie, sucrés et salés. Plusieurs hommes et femmes en costume blanc se déplaçaient avec des plateaux garnis (rapidement dégarnis, puis regarnis).

Je crois avoir remarqué que sur la multitude de personnes présentes, seules quelques-unes semblaient écouter le concert : la compagne de l'artiste, les représentants des structures culturelles qui accompagnaient Red dans son travail, et moi. Les autres personnes discutaient, buvaient un verre et mangeaient un morceau. Régnait sur la petite scène improvisée dans un coin au même niveau que la salle un halo de beauté et de solitude. Comme un monde à part, les textes de Red faisaient le récit d'un accident, d'une dispute, d'une douleur - les aventures des hommes juste avant ou pendant l'opération: du noir, du rouge, des blouses vertes, des néons blancs, la sueur, la nuit, le verre brisé. Une certaine urgence, donc. Confrontée à cette écriture à vif, l'inattention du public produisait un choc violent. Que se serait-il passé, si on avait écouté, et vu ?

Je suis revenue quelques temps plus tard dans le même service, à titre personnel. Après un acte chirurgical sur le bras de mon compagnon, lui-même musicien, un infirmier m'avait servi un thé et une gaufre. Ma mémoire a depuis lors associé les deux événements, mêlant d'intenses et émouvants récits d'intervention chirurgicale, d'amour, à d'étranges et fades douceurs alimentaires dans un environnement excessivement blanc et lumineux.

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